TEMPO DE LEITURA
7 min
Partager

Juste après les secousses...

Le chaos. C’est le seul mot qui peut décrire ce à quoi ressemblait Lisbonne après les secousses.   

Des appels à l’aide désespérés résonnaient sous les décombres des maisons en ruine dans toutes les rues. Les survivants erraient dans les rues, couverts de sang et de poussière, essayant de se frayer un chemin parmi les décombres et les cadavres. De nombreuses rues étant devenues méconnaissables, il était plus difficile de s’orienter dans la ville. Des hommes, des femmes et des enfants de tous horizons poussaient des cris désespérés, scrutant les débris à la recherche de membres de leur famille et d’amis. D'autres tentaient de sauver des objets importants, soit pour leur valeur, soit pour ce qu'ils signifiaient, ce qui provoquait des tensions entre ceux qui voulaient seulement sauver leur vie et ceux qui essayaient de sauver des choses auxquelles ils attachaient une grande importance. Partout, des chevaux effrayés couraient, piétinant les morts et les blessés. Même les personnes qui pouvaient se tenir debout et marcher étaient désorientées et cherchaient refuge.  

Les incendies éclatèrent dans toute la ville. Certains disent qu'ils ont commencé dans le quartier du Rossio, d'autres qu'ils ont commencé dans les boulangeries. La vérité est qu'ils se sont répandus si rapidement qu'il était impossible de les contrôler. Par peur des éboulements et de la propagation du feu, de nombreuses personnes s’étaient réfugiées dans les espaces dégagés près du fleuve. Or c’est là qu’elles se sont retrouvées exposées aux eaux du tsunami qui succéda au le tremblement de terre. Pris par surprise, les gens moururent sur le coup. D'autres ont eu la chance de retrouver leurs proches vivants parmi les décombres, comme ce fut le cas du célèbre négociant Ratton.  

Après le tsunami, les survivants en état de sidération battirent en retraite vers les hauteurs de la ville, laissant derrière eux une scène terrifiante, un désert de cendres, de morts et de ruines. Dans le centre de la ville, les feux brûlèrent des jours durant et les décombres recouvraient les rues. Ce n'est que lorsque les incendies furent complètement éteints que l'on a commencé à déblayer les rues. Puis les signes d’une quête terrible sont apparus. Les gens marchaient dans les décombres avec des paniers, rassemblant leurs affaires, ce qui attirait les voleurs. La faim et le froid faisaient rage parmi les survivants désorientés. Il y avait pénurie de chevaux, car beaucoup avaient été condamnés à l’équarrissage pour combattre la faim.  

Dans le quartier du Rato, qui à l’époque était en dehors de la ville, les survivants arrachaient des oliviers, alimentant ainsi des brasiers pour se réchauffer et détruisant des jardins. Dans sa quête de survie, la ville dévorait ses propres entrailles. Parmi les ruines apparaissaient les condamnés aux travaux forcés qui traînaient leurs entraves sur les décharges, épuisés par l'effort et parfois victimes d'éboulements. Il y avait une pénurie d'eau et beaucoup n'ont pas pu changer de vêtements pendant des mois. Les secousses ont continué pendant plusieurs semaines, alimentant le chaos et le désespoir des survivants. Beaucoup d’entre eux refusaient de dormir sous les rares toits encore en place. Ils préféraient installer des tentes dans des jardins et des fermes à l’extérieur de la ville, et même sur les terrains du palais de Belém, où la famille royale avait trouvé refuge. Le premier soir, on avait allumé des feux pour faire cuire des poulets, attrapés dans les arrière-cours. Le bruit des flammes était terrifiant. On pouvait entendre des cris et des hurlements de chiens au loin.   

De nombreux nobles mirent leurs jardins à la disposition des habitants de la ville. On y installa des tentes fabriquées avec des draps. La reine Dona Mariana Vitoria et ses filles cousaient des vêtements et défaisaient des tissus pour faire des pansements. Le roi avait tellement peur de dormir sous un toit qu’il refusa de dormir ailleurs que dans une tente pendant les jours qui suivirent le tremblement de terre. Au fil du temps, la tente devint assez luxueuse, avec une structure en bois et même un léger travail de maçonnerie ; elle fut appelée la « cabane royale ».  

Les blessés étaient étendus sur des lits de feuilles et secourus par les chirurgiens disponibles, mais aussi par des barbiers, des moines ou de simples volontaires. Pendant ce temps, au milieu du chaos, la recherche de survivants se poursuivait. Beaucoup furent retrouvés plus de neuf jours après la catastrophe et parfois même indemnes. Les survivants blessés étaient transportés dans des hôpitaux de fortune installés dans les jardins des maisons nobles ou dans les cabanes du Rossio. Les mauvaises conditions météorologiques conduisirent à une nouvelle catastrophe lorsque des blessés moururent noyés lors des inondations du début du mois de décembre de la même année. Quant aux cadavres, ils furent recouverts de chaux, de poix et de goudron dans les jours qui ont suivi le tremblement de terre, pour être ensuite incinérés en plein air. C’est la crainte d'épidémies dévastatrices qui conduisait à cette solution expéditive.  

La crainte de nouveaux tremblements de terre et le fait que de nombreuses rues étaient impraticables facilitèrent les reprises d’incendie dans les zones abandonnées. Des voleurs profitaient de la confusion pour piller tout ce qu'ils pouvaient, bravant les flammes et la mort pour voler. L'horreur ne connaissait aucune limite et beaucoup amputaient les membres des morts afin de s'approprier bagues et colliers. Ils parvenaient à se déguiser en nobles, en portant les vêtements volés, ce qui facilitait leur dissimulation. Lorsqu’ils étaient arrêtés, leur peine était sévère. Les ordres du roi ne tardèrent pas, avec des pendaisons sommaires : 34 au cours des premières semaines, dont 11 Portugais, 10 Castillans, 5 Irlandais, 3 Savoyards, 1 Polonais, 1 Flamand et 1 Maure.  

Les corps restèrent suspendus pendant des jours : un avertissement donné aux passants que la loi et l'ordre prévalaient dans la ville. Tous ne furent pas pendus et beaucoup furent condamnés à déblayer les décombres. Sous la conduite du duc de Lafões, ils rejoignirent les rangs des condamnés aux galères. Les objets de valeur furent rassemblés et remis à leurs propriétaires, sur présentation d'une preuve de propriété.  

"Praça da Patriarcal", une des 6 gravures d'un “Receuil des plus belles ruines de Lisbonne : causées par le tremblement et par le feu du premier Novembre 1755 /  deffiné sur les lieux par m.m. Paris & Pedegache “ et gravées par Jacques-Philippe Le Bas en 1757 à Paris. Colecção do Museu de Lisboa /Câmara Municipal de Lisboa - EGEAC

La chapelle royale du roi Jean V est élevée au rang de basilique patriarcale en 1716, mais ce n'est qu'en 1739 que commence son extension tant attendue. De nouveaux travaux avaient commencé en 1740, comme auparavant sous la direction de l’architecte en chef du royaume, l’Allemand Ludovice. Ces travaux comprenaient des interventions dans les points principaux du monument, ainsi que dans le palais patriarcal attenant. Ces travaux ne furent jamais menés à leur terme, car le tremblement de terre de 1755 entraîna la disparition de l’ensemble.

"Basilique de Santa Maria", une des 6 gravures d'un “Receuil des plus belles ruines de Lisbonne : causées par le tremblement et par le feu du premier Novembre 1755 /  deffiné sur les lieux par m.m. Paris & Pedegache “ et gravées par Jacques-Philippe Le Bas en 1757 à Paris. Colecção do Museu de Lisboa /Câmara Municipal de Lisboa - EGEAC

Gravure représentant la basilique de Santa Maria en ruines. Plus connue aujourd’hui sous le nom de Sainte Marie Majeure de Lisbonne ou de cathédrale de Lisbonne, elle fut reconstruite après le tremblement de terre. C'est la plus ancienne église de la ville de Lisbonne : sa construction remonte à 1147, à l'époque de la reconquête chrétienne. Elle a été bâtie, selon toute probabilité, sur l’ancienne et principale mosquée musulmane de Lisbonne.

LIEUX À VISITER

  • Museu de LisboaExplore
  • A Maqueta de Lisboa anterior ao Terramoto de 1755Explore
  • Sé de Lisboa e coleção "Tesouro da Sé Patriarcal", LisboaExplore
  • Mosteiro de São Vicente de Fora, LisboaExplore

POURSUITE DE L'EXPLORATION

Museu da Cidade:

Colecao de 6 gravuras: Igreja de S. Paulo; Basílica de Santa Maria; Igreja de S. Nicolau; Praça da Patriarcal; Casa da Ópera; Torre de S. Roque chamada vulgarmente Torre de Patriarcal

Visita guiada à Sé de Lisboa (vídeo):

https://www.youtube.com/watch?v=6rN-849DlOQ

Museu de Lisboa (Terreiro do Paço 3D):

https://www.youtube.com/watch?v=GoFzvpVgv1g 

BIBLIOGRAPHIE

Maria BOŞTENARU-DAN, «The Earthquakes and The Tsunami Of 1755 and 2004, Historic Accidents?», Bulletin of the Polytechnic Institute of Iasi, vol. 60, nº 3, 2010, pp. 107-120.

Isabel Maria Barreira de CAMPOS, O grande terramoto (1755), Parceria, 2005.

Arnaldo Pinto CARDOSO, O terrível terramoto da cidade que foi Lisboacorrespondência do Núncio Fillipo Acciaiuoli: Arquivos secretos do Vaticano, Alétheia, 2013.

Suzanne CHANTAL, A Vida Quotidiana em Portugal ao Tempo do Terramoto, Livros do Brasil, s/d.

David K. CHESTER, «The 1755 Lisbon earthquake», Progress in Physical Geography, 25, 3, 2001, pp. 363-383.

João Duarte FONSECA, 1755, O Terramoto de Lisboa, Argumentum, 2005.

Immanuel KANT, Escritos sobre o Terramoto de Lisboa, Edições Almedina, 2005.

Ana Cristina LEITE, «Vestígios do Terramoto de 1755 em Lisboa, Contibutos da Arqueologia» Rossio-estudos de Lisboa, nº 3, Câmara Municipal de Lisboa, 2014, pp. 88-101.

Mark MOLESKY, «The Vicar and the Earthquake: Conflict, Controversy, and a Christening during the Great Lisbon Disaster of 1755», E-Journal of Portuguese History, vol. 10, number 2, 2012, pp. 76, 94.

Nuno Gonçalo MONTEIRO, «Sebastião José e o Terramoto: entre o governo da casas e o governo do reino», O Terramoto de 1755: Impactos históricos, Livros Horizonte, 2007.

Rui TAVARES, O Pequeno Livro do Grande Terramoto, Tinta da China, 2009. 

O grande terramoto de Lisboa, 1755, 4 volumes, Fundação Luso-Americana para o Desenvolvimento-Público, 2005.

Show other RFID points

Significant Earthquakes

Tectonique du Portugal continental et Lisbonne et les séismes 

Streets of Lisbon

La présence de l’Église catholique

Tsunami and FIre

Juste après les secousses...

Streets of Lisbon

Le lien avec les territoires colonisés

Streets of Lisbon

La messe selon le rite ancien 

Sala dos Contos

Les trois documents disparus

Tsunami and FIre

Les pertes

Sala dos Contos

Providências 

Sala dos Contos

Inquérito

Tsunami and FIre

Le déclenchement des incendies et leur propagation

Streets of Lisbon

La richesse de la ville et la contrebande de l’or 

Training Centre

Sismomètre

Tsunami and FIre

Le tsunami

Training Centre

La dérive des continents 

Sala dos Contos

Plan de la Baixa

Sala dos Contos

Une femme esclavisée africaine achetée à Lisbonne

Training Centre

Les constructions parasismiques

Training Centre

Sommes-nous préparés au prochain ?

Training Centre

Ondes P&S

Training Centre

La taille d’un tremblement de terre 

Training Centre

Plaques Tectoniques et Des plaques mobiles 

Training Centre

Les tremblements de terre et les failles  

Training Centre

Effets Associés

Significant Earthquakes

San Francisco et Tohoku

Sala dos Contos

Le charpentier accusé de bigamie

Sala dos Contos

Prêtre Jésuite, censeur de livres

Streets of Lisbon

Les gens dans les rues

Sala dos Contos

Barbier-chirurgien

Sala dos Contos

Le marchand allemand

Streets of Lisbon

Lisbonne en 1755, une ville de contrastes